10 propositions pour une désescalade numérique

Municipales 2026 : ne laissez pas l’intelligence artificielle écrire votre programme.

Depuis 20 ans, à rebours de toutes les promesses qui accompagnent la numérisation, le recours massif à internet, au smartphone et aux réseaux sociaux accélère l'effondrement du lien social et la fascisation de la société. Porté par des multinationales hégémoniques, le numérique a servi à démanteler et privatiser les services publics, à accélérer les flux de marchandises et à disqualifier bon nombre de savoir-faire. Nous assistons à une captation des cerveaux et des liens communautaires au bénéfice de ces entreprises. Les soirs d'élections, nous en sommes réduits à croiser les doigts pour que les capacités de surveillance orwelliennes développées ces deux dernières décennies ne tombent pas, prêtes à l'emploi, entre les mains d'un gouvernement d'extrême droite. Au niveau de ses chaînes d'approvisionnement et de ses impacts écologiques, l'industrie numérique planétaire, avec sa croissance exponentielle, est une bombe climatique et toxique. Des mines aux data centers en passant par la production de semi-conducteurs, elle asservit une main-d'œuvre précaire, siphonne des quantités colossales d'eau et d'énergie, accumule des montagnes de déchets. En démultipliant et en accélérant toutes ces tendances, le déploiement de l'intelligence artificielle (IA) promet des lendemains plus sombres encore. En deux mots : la société numérique d'aujourd'hui est insoutenable, celle qui vient s'annonce cauchemardesque.N'attendons plus : il devient urgent de freiner.

Des propositions : Pourquoi ? Pour qui ?

Les menaces que fait peser l'industrie numérique sur le vivant, l'emploi ou les libertés fondamentales peuvent sidérer en donnant le sentiment de phénomènes planétaires insaisissables. Pourtant, agir à l'échelle locale, à partir des communautés dans lesquelles nous vivons, est non seulement possible, mais décisif. C'est l'échelle plus efficace pour sortir de l'impuissance et recréer des liens fragilisés par le déferlement technologique. Pour se donner les moyens, progressivement, de reprendre la main sur les objets qui nous entourent et sur nos besoins fondamentaux. C'est dans cette perspective qu'est rédigée cette boîte à outils pour une désescalade numérique. Elle vise à nourrir la réflexion des élu.es et des candidat.es qui élaborent leur programme en vue des prochaines élections municipales. Ce travail inédit est le fruit d'une réflexion collective menée depuis un an par une trentaine d'associations et collectifs spécialisés dans l'analyse des impacts de ces technologies. Nous espérons que ces propositions inspireront votre équipe, que vous y puiserez librement pour composer votre programme, tout en respectant l'esprit d'urgence écologique et de justice sociale qui les anime.

Des propositions concrètes

Nous avons cherché des mesures immédiates et applicables qui puissent emporter l'adhésion du plus grand nombre. Certaines d'entre elles visent simplement à limiter la dépendance à l'informatique pour rétablir une sécurité élémentaire face au risque de cyberattaques et de pannes des réseaux (d'électricité, de télécommunication...).D'autres visent à garantir l'accès aux droits sociaux et aux services publics sans numérique. D'autres encore servent à valoriser l'humain et à construire des emplois pérennes à l'échelle des communes. D'autres, enfin, veulent contribuer à limiter les dégâts écologiques et sanitaires du numérique.Certains points de ce programme permettent de réaliser des économies parfois substantielles, d'autres propositions appellent des investissements. Elles nécessitent, de toute façon, d'être adaptées à la taille et aux spécificités de votre commune.

La numérisation de plus en plus importante de nos vies quotidiennes et des services publics ne doit plus passer sous les radars démocratiques. La manière dont nous faisons société ne peut plus être décidée par cette poignée de chefs d’entreprise qui déploient leurs appareils et leurs applis à l’échelle de la planète. Depuis vingt ans, le déploiement frénétique de ces systèmes crée un profond malaise dans une partie importante de la population : les laissé.es pour compte des services « dématérialisés », ceux et celles que les nouvelles technologies ont mis au chômage, les personnes souffrant d’addictions en ligne (jeux d’argent, pornographie, jeux vidéos, réseaux sociaux…), les victimes de violences en ligne, les personnes électrosensibles - et leur entourage.

D’autre part, tant que cet enjeu central ne sera pas traité, nous resterons incapables de réduire nos consommations de ressources et de contribuer à un monde plus juste à l’échelle globale.
Ajoutons que, dans un contexte de baisse des ressources des communes, le numérique impose des surcoûts inutiles qu’il est urgent de limiter.

C’est pourquoi nous faisons le pari que les électeurs et électrices seront nombreux à voir dans ce programme des mesures élémentaires de prudence, d’économie, de solidarité, de justice sociale et de santé publique.

Signataires

  • Des membres du collectif Écran Total : Résister à la gestion et l'informatisation de nos vies
  • Bela Loto Hiffler, observatrice ébriété numérique
  • Celia Izoard, autrice de La Ruée minière au XXIe siècle
  • Richard Hanna, développeur, entrepreneur-salarié dans une coopérative
  • Florence Rodhain, Professeure des Universités en Systèmes d'information, autrice de La nouvelle Religion du numérique, Université de Montpellier.
  • Ferréole Lespinasse, autrice de Sobriété éditoriale, le guide pour écoconcevoir vos contenus
  • Boris Cyrulnik, Praticien Enseignant Chercheur à l'Université de Toulon et de Mons en Belgique
  • Philippe Bihouix, auteur, entre autres, de : L'âge des Low tech, Le désastre de l'Ecole numérique, L'insoutenable abondance...
  • Karine Mauvilly, autrice de Cyberminimalisme et le Désastre de l'école numérique
  • Christine Thiollet, enseignante syndiquée au SNES
  • Sandrine Larizza, syndiquée CGT France Travail
  • Christopher Pollmann, professeur des universités agrégé de droit public, Université de Lorraine – Metz
  • Thomas Lemaire, développeur indépendant
  • Fabien Lebrun, chercheur et auteur de Barbarie numérique
  • Fabien Michel, maître de conférences en informatique, Université de Montpellier
  • Françoise Berthoud, Ingénieur de recherche chez CNRS
  • Didier Mallarino, Ingénieur de recherche chez CNRS
  • Nicolas Peirot, Maître de conférences en Sciences de l'Information et de la Communication, Université Bourgogne Europe
  • Alexis Nicolas, consultant chercheur sur la dénumérisation
  • Bernard Fallery, Professeur Emérite en Systèmes d'Information, Université de Montpellier
  • Fabrice Flipo, professeur à l'Institut Mines-Télécom, auteur de L'impératif de la sobriété numérique
  • Julie Delmas Orgelet, Retisser les liens
  • Pascal Courtois, co-fondateur du collectif d'écoconception web "Jeudimatin", membre de l'association "Designers Éthiques", écrit dans le journal "curseurs, numérique: repères critiques"
  • Aurélie Baton, UX Designer spécialisée en écoconception à Entrelac, co-autrice du guide d'écoconception de services numériques des Designers Éthiques, membre de l'association Designers Éthiques
  • Maxime Guedj, ingénieur, entrepreneur et co-auteur de Déclic
  • Louis Derrac, artisan d'un numérique acceptable
  • Corinne Morel Darleux, autrice

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Vous êtes une liste qui se présente aux municipales et vous avez intégré ces propositions dans votre programme ? Racontez-nous.

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